La loi 2023-1107 du 29 novembre 2023 transposant l’ANI du 10 février 2023 sur le partage de la valeur a instauré deux dispositifs expérimentaux de partage de la valeur d’une durée de 5 ans.
Plus de 6 mois après sa publication, la loi du 29 novembre 2023 relative au partage de la valeur peut pleinement entrer en vigueur, avec la parution de ses deux décrets d’application.
- D’une part, l’article 5 du texte prévoit une obligation de partage dans les entreprises employant au moins 11 salariés non tenues de mettre en place la participation lorsqu’elles réalisent un bénéfice net fiscal correspondant à au moins 1 % de leur chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs.
- D’autre part, l’article 6 dispose que certaines entités du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) employant au moins 11 salariés doivent mettre en place un partage de la valeur dès lors qu’elles réalisent un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de leurs recettes pendant 3 exercices consécutifs.
Dans les deux cas, le partage peut prendre la forme de la mise en place d’un régime d’intéressement ou d’un régime de participation (ce dernier cas ne concernant pas le dispositif de l’ESS), du versement d’un abondement à un plan d’épargne salariale ou retraite ou du versement d’une PPV
Sont concernées les entreprises:
- employant au moins 11 salariés ;
- non soumises à l’obligation de mettre en place la participation, et n’appartenant pas à une UES elle-même assujettie à la participation ;
- ayant réalisé un bénéfice net fiscal supérieur ou égal à 1 % de son chiffre d’affaires pendant chacun des 3 derniers exercices ;
- qui ne sont pas déjà couvertes par un accord de participation ou d’intéressement pour l’exercice au titre duquel s’applique l’obligation de partage de la valeur
- n’étant pas une entreprise individuelle ;
- n’ayant pas versé un dividende à ses salariés au titre de l’exercice écoulé ou versé un dividende proportionnel au capital social aux actionnaires en
- capital, si elles relèvent du statut des sociétés anonymes à participation ouvrière (Sapo).
- de droit étranger disposant d’établissements permanents en France, qui y procède à des déclarations sociales et fiscales
- pendant la période de gel du franchissement de seuil de 50 salariés
Entités du secteur de l’ESS
L’administration indique que sont concernées toutes les personnes morales mentionnées au 1o du II de l’article 1er de la loi 2014-856 du 31 juillet 2014 (notamment les associations, mutuelles, coopératives ou fondations) (QR no 14) :
- de droit privé ;
- relevant du secteur de l’économie sociale solidaire (ESS) ;
- employant au moins 11 salariés ;
- ne déclarant pas de bénéfice net fiscal tel que défini pour le calcul de la RSP ;
- ayant réalisé pendant 3 exercices consécutifs un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de leurs recettes ;
- si un accord de branche étendu le permet.
Ne sont pas concernées les structures de l’ESS qui appliquent déjà un accord de participation pour l’exercice concerné (Loi 2023-1107 art. 6, III), il s’agit notamment des Scop qui mettent en place une participation dans les conditions spécifiques prévues par le Code du travail.
Appréciation du seuil d’effectif
Pour apprécier le seuil d’effectif de 11 salariés, pour les deux dispositifs, il convient de se référer aux règles de l’article L 130-1, I du CSS, comme l’a précisé l’article 1er du décret 2024-690 du 5-7-2024. Il s’agit de l’effectif salarié annuel de l’entreprise ou structure, correspondant à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun, des mois de l’année civile précédente. L’administration précise que la règle du moratoire de 5 ans prévue au II de l’article L 130-1 du CSS ne s’applique pas pour constater le franchissement à la hausse du seuil de 11 salariés
Quelles modalités de mise en œuvre ?
- Exercices pris en compte
Pour l’exercice ouvert à compter du 1er janvier 2025, la loi précise que les 3 exercices précédant cette date sont pris en compte pour l’appréciation du respect de la condition relative au niveau de bénéfice net fiscal.
Si l’entreprise a réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % de son chiffre d’affaires en 2022, 2023 et 2024, elle devra ainsi mettre en place l’un des dispositifs prévus pour le partage au titre de l’exercice 2025 : régime d’intéressement ou de participation ou versement d’un abondement à un plan d’épargne salariale ou retraite ou d’une PPV.
Ces commentaires sont valables pour l’expérimentation dans le secteur de l’ESS, la notion de bénéfice net fiscal étant remplacée par celle de résultat excédentaire.
- Possibilité d’une décision unilatérale
Les différentes modalités de partage (intéressement, participation, abondement ou PPV) peuvent être mise en place par une décision unilatérale de l’employeur selon les règles spécifiques prévues pour chacun de ces dispositifs, rappelle l’administration
une entreprise de moins de 50 salariés peut adhérer par décision unilatérale à un accord de branche agréé d’intéressement, de participation ou instituant un plan d’épargne salariale ou retraite, à condition que l’accord de branche prévoie cette possibilité sous forme d’accord-type avec des options prédéfinies, sans adaptation possible par l’entreprise ;
- une entreprise de moins de 50 salariés non couverts par un accord de branche d’intéressement agréé peut mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale de l’employeur, en l’absence de délégué syndical et de CSE ou en cas d’échec des négociations avec ces interlocuteurs, et après consultation du CSE s’il existe ;
- une entreprise peut mettre en place un régime de participation volontaire en cas d’échec des négociations avec les représentants du personnel et après consultation du CSE ;
- toute entreprise peut mettre en place un plan d’épargne salariale ou retraite par décision unilatérale en l’absence de délégué syndical et de représentant du personnel ou en cas d’échec des négociations avec ces derniers, après consultation du CSE s’il existe ;
- un employeur peut décider unilatéralement du versement d’une PPV, sans conditions.
Ces commentaires sont valables selon nous pour les structures de l’ESS, sauf lorsqu’ils font référence à la participation.
Quelles modalités de partage ?
Le dispositif choisi pour concrétiser le partage ne génère pas nécessairement le versement d’une prime. En effet, le caractère aléatoire des dispositifs de participation et d’intéressement interdisent de présumer des résultats futurs.
Concernant la PPV, son régime légal permet que l’accord ou la décision unilatérale la réserve aux salariés percevant une rémunération inférieure à un certain niveau, par exemple inférieure à 3 smic annuels.
Concernant l’ESS, l’administration rappelle que les entités de ce secteur obéissent à des principes de non-lucrativité ou de lucrativité limitée, ne génèrent pas de bénéfice net fiscal et ne peuvent donc pas verser de participation. Elles peuvent remplir leur obligation par la mise en place d’un dispositif d’intéressement, le versement d’un abondement dans un plan d’épargne salariale ou retraite ou d’une PPV. S’agissant de l’intéressement, ce dispositif peut reposer sur des résultats financiers comme sur la performance de l’entreprise, c’est-à-dire des critères extra-financiers. L’administration indique que si ce mode d’intéressement à la performance donne une grande latitude pour l’établissement de la formule de calcul, il doit refléter le mieux possible la contribution des salariés aux performances de l’entreprise.