Durabilité en 2025 : Ce que révèlent les premiers rapports européens
Depuis janvier 2024, la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) impose à de nombreuses entreprises de publier des rapports de durabilité détaillés, au même titre que leurs rapports financiers. En 2025, les premiers rapports conformes à cette directive ont été publiés, marquant une étape décisive dans la transparence environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) des entreprises européennes. Vous pouvez retrouver les rapports de durabilité à l’adresse : SRN | Sustainability Reporting Navigator
Ces premiers rapports ont été examinés dans plusieurs études[1] en 2025 et voici un aperçu des pratiques émergentes, des défis rencontrés et des recommandations pour les années à venir.
Constats clés des premiers rapports
- Des rapports plus longs, plus techniques, mais aussi plus standardisés
Les rapports CSRD sont substantiellement plus longs que les rapports antérieurs, avec une augmentation marquée du contenu sur le climat, les effectifs et la gouvernance.
- Les rapports sont plus complexes, avec un vocabulaire plus technique, davantage de tableaux et de chiffres, mais moins d’images.
- Le ton général est plus négatif, reflétant une prise de conscience accrue des risques ESG.
- Les entreprises ayant peu publié de rapports en 2023 sont celles dont les rapports ont le plus évolué en 2024
- La double matérialité : un filtre essentiel mais coûteux
Certaines études font le constat que sur les plus de 1 000 points de données exigés par la CSRD, 60 % ne sont obligatoires que s’ils sont jugés matériels. En pratique, les entreprises déclarent en moyenne 3 à 4 thèmes ESRS comme non matériels, ce qui leur permet de ne pas les documenter.
Cette approche permet de réduire les coûts de conformité, mais pose la question de la comparabilité entre entreprises.
Les sujets les plus fréquemment jugés matériels sont :
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- E1 – Atténuation du changement climatique (92 % des entreprises)
- S1 – Égalité de traitement (96 %)
- G1 – Lutte contre la corruption (84 %)
À l’inverse, des thèmes comme la pollution par microplastiques ou les ressources marines sont rarement considérés comme prioritaires, sauf dans certains secteurs spécifiques.
- Gouvernance ESG : un levier encore sous-utilisé
La plupart des études publiées à ce jour convergent : la gouvernance ESG reste souvent cantonnée à la direction RSE, sans implication forte des conseils d’administration. Certaines études observent que les entreprises les plus avancées sont celles où la gouvernance ESG est intégrée à la stratégie globale, avec des comités dédiés et des indicateurs de performance liés à la rémunération.
- Collecte de données : un défi opérationnel majeur
Les difficultés de collecte de données, notamment sur le Scope 3, sont largement partagées.
Certaines études notent que les entreprises utilisent encore massivement Excel, malgré ses limites en matière de traçabilité et de fiabilité.
Les outils numériques spécialisés sont encore peu déployés, mais leur adoption est en forte croissance.
- Plans climat : des ambitions affichées, mais des plans encore flous
La majorité des entreprises publient des objectifs de neutralité carbone, souvent à l’horizon 2050.
Toutefois, peu détaillent des plans de transition crédibles, avec des jalons intermédiaires, des budgets et des indicateurs de suivi.
- Assurance des données : un enjeu croissant
La CSRD impose une vérification externe des données ESG. Les premiers rapports montrent une grande hétérogénéité :
- Assurance limitée dans la majorité des cas, faute de méthodologies robustes ou de données suffisamment fiables.
- Certaines études insistent sur la nécessité de préparer dès maintenant l’assurance raisonnable.
Recommandations croisées
Les études publiées proposent des pistes d’amélioration pour les prochains rapports de durabilité.
- Réduire les points de données non essentiels, pour alléger la charge des entreprises tout en maintenant la transparence.
- Adapter les exigences selon la taille, le secteur et la maturité des entreprises.
- Favoriser la standardisation pour améliorer la comparabilité et l’analyse sectorielle.
- Renforcer la gouvernance ESG, en impliquant les conseils d’administration.
- Investir dans des outils numériques pour fiabiliser la collecte et l’analyse des données.
- Structurer les plans climat avec des trajectoires chiffrées et vérifiables.
- Anticiper l’assurance raisonnable en formalisant les processus de contrôle interne
Conclusion : vers une maturité progressive du reporting durable
Les premiers rapports CSRD montrent une dynamique positive : plus de transparence, une meilleure structuration, et une prise de conscience accrue des enjeux ESG. Toutefois, les défis restent nombreux : complexité réglementaire, charge de travail, collecte de données, gouvernance. Pour réussir cette transition, il faudra alléger intelligemment les exigences, renforcer les capacités internes et intégrer la durabilité au cœur de la stratégie d’entreprise.
[1] Université de Cologne, AMF, Deloitte, PWC, EY, KPMG, BDO