Depuis l’entrée en phase transitoire du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM) en octobre 2023, l’Union européenne franchit une étape décisive dans sa stratégie climatique. Ce mécanisme vise à taxer les importations à forte intensité carbone en provenance de pays tiers afin de protéger les industries européennes soumises au système d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE). Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), grand consommateur de matériaux comme l’acier, l’aluminium ou le ciment, est particulièrement concerné par cette nouvelle régulation.
Obligations et impacts du CBAM
Le CBAM impose aux entreprises importatrices de certains produits (ciment, acier, aluminium, engrais, électricité, hydrogène) de déclarer trimestriellement les émissions de CO₂ embarquées dans ces marchandises. À partir de 2026, elles devront acheter des certificats pour compenser ces émissions. Pour les entreprises du BTP, qui utilisent massivement ces matériaux dans la construction d’infrastructures, de bâtiments ou de routes, cela implique des changements structurels importants.
Mises à jour du CBAM en 2025
En mai 2025, la Commission européenne a introduit plusieurs mises à jour du CBAM afin de faciliter la transition pour les entreprises. Parmi les nouveautés : le seuil d’exemption a été abaissé à 50 tonnes, ce qui exempte environ 90 % des petits importateurs, tout en couvrant plus de 99 % des émissions ciblées. Le calendrier de mise en œuvre a été assoupli, avec un report à 2027 de l’achat des certificats pour les importations de 2026. Le ratio de certificats requis a également été réduit à 50 % des émissions par trimestre, et les méthodes de déclaration ont été simplifiées. Des matériaux spécifiques comme les argiles kaoliniques non calcinées sont désormais exclus du mécanisme, recentrant la mesure sur les matériaux les plus polluants.
Enjeux pour les entreprises du BTP
Pour les entreprises du BTP, ces ajustements sont un soulagement relatif mais ne doivent pas masquer les enjeux à venir. Le CBAM induira à terme une hausse significative du coût des matériaux importés à forte intensité carbone, ce qui impactera directement les budgets de chantier. Par ailleurs, les obligations de traçabilité des émissions exigent une gestion plus rigoureuse des achats et des données d’approvisionnement. Il devient essentiel de connaître l’origine, le processus de fabrication et l’intensité carbone des matériaux utilisés.
Transformation du secteur
Ce mécanisme agit donc comme un levier indirect de transformation pour tout le secteur. Il pousse à repenser les chaînes d’approvisionnement, à privilégier des matériaux produits localement ou à plus faible impact environnemental, et à renforcer la coopération avec des fournisseurs respectueux des normes européennes de durabilité. Il invite également à intégrer l’empreinte carbone dès la phase de conception des ouvrages à travers des outils tels que le BIM bas carbone ou l’analyse du cycle de vie (ACV).
Axes d’adaptation
Trois axes s’imposent pour que les entreprises du BTP s’adaptent efficacement au CBAM : d’abord, intégrer le carbone comme critère stratégique dès la conception et les appels d’offres ; ensuite, former les équipes aux exigences du CBAM et aux enjeux réglementaires ; enfin, structurer des partenariats avec des fournisseurs engagés dans des démarches de décarbonation.
Conclusion
Bien que le CBAM soit indubitablement une contrainte, il peut être aussi vu comme une opportunité pour le secteur d’accélérer en matière de transition écologique. En anticipant les impacts de ce mécanisme, les entreprises du BTP peuvent non seulement éviter des sanctions, mais aussi se démarquer dans un marché de plus en plus tourné vers des solutions bas carbone.
Sources : Publications officielles de la CBAM, les mises à jour réglementaires de mai 2025 et Carbon Border Adjustment Mechanism – European Commission